Attention au respect du préavis !
(Cour d’appel d’Agen, ch. civ. 16 septembre 2013, n° 12/01911)
Le Docteur O., gastro-entérologue, exerçait à titre libéral, en vertu d’un contrat verbal, faute de convention écrite au sein d’un établissement de santé privé. Par lettre du 7 avril 2010, il résilie ce contrat de fait. Eu égard aux usages en vigueur, ledit médecin devait respecter un préavis de 12 mois et ainsi cessait son activité le 7 avril 2011. Pourtant, ce dernier continue d’intervenir au sein de l’établissement et ce n’est que fin février 2012 qu’il informera la Clinique de la fin de son activité effective le 6 avril 2012.
Après avoir été débouté en référé et en première instance par le Tribunal de grande instance d’Agen, la Cour d’appel fait droit à la demande formée par le mandataire judiciaire liquidateur de la Clinique et précise :
« […] L’implication du Docteur O. dans la clinique où il continuait à occuper les fonctions de président de la CME, l’absence d’information sur la date de son départ ou de présentation d’un successeur, a pu laisser croire […] qu’il n’y aurait pas de suite à cette rupture.
« Or le délai de préavis, délai de prévenance, permet aux deux parties de connaitre avec certitude la date à laquelle elles sont réciproquement dégagées de leurs obligations, délai qui permet au praticien de se dédier de ses engagements mais aussi, qui permet à la clinique d’organiser son remplacement, afin de pallier toute rupture d’activité.
« A cet égard, le Docteur O., parti de la clinique à une date unilatéralement décidée, sans qui plus est présenter de successeur, a manqué à ses obligations nées du contrat de fait en ne respectant pas le délai de préavis prévu aux usages de la profession […] »
Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence classique considérant qu’en l’absence de contrat écrit les durées de préavis telles que recommandées par l’Ordre national des médecins et le CLAHP (Comité de Liaison et d'Action de l'Hospitalisation Privée) constituent des usages sur lesquels se fondent les magistrats pour juger du respect d’un délai de prévenance suffisant.
En revanche les conséquences qu’en tire la Cour d’appel d’Agen dans cet arrêt prêtent à discussion. En effet, cette dernière retient :
« Le préjudice de la clinique ne saurait être constitué que de la perte en termes de résultat et non de la perte de chiffre d’affaires.
« A cet égard, la clinique chiffre la perte nette à la somme de 310 000 euros annuels.
« Pour autant, le préjudice ne saurait s’analyser qu’au titre d’une perte de chance de réaliser le chiffre attendu. En effet, si la patientèle est liée à la clinique, elle tient aussi pour partie à la relation qui lie le praticien au patient rien ne permet de considérer que le nouveau praticien aurait réalisé le même chiffre que son prédécesseur, de sorte que l’indemnisation dans le cadre de la perte d’une chance ne saurait dépasser 50% de la perte nette, soit 139 500 euros, somme à laquelle le Docteur O. est condamné […] ».
Or sur ce point la jurisprudence n’est pas clairement positionnée et plusieurs arrêts sanctionnent par exemple le médecin qui abuse de son droit de résiliation, sans respect de son délai de préavis, à payer à l’établissement de santé privé des dommages et intérêts d’un montant égal au manque à gagner de celui-ci pendant la période non observée an application de l’article 1149 du code civil qui prévoit que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après. ».