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Médecin conseil des assureurs : attention au secret médical !

claireperillaud Par Le 27/11/2023

La question de la conciliation entre le respect des droits de la défense et le secret médical est toujours délicate.

Dans un arrêt du 15 novembre 2022(n°441387), le Conseil d’Etat vient apporter de nouvelles précisions.

Le secret médical est défini au travers de plusieurs dispositions du Code de la santé publique, et notamment l’article R. 4127-4 du Code de la santé publique qui énonce :

« Le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.

Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris »

Les faits étaient les suivants :

  • A.B., assuré auprès de la société Macif assurances, a été victime le 7 octobre 2014 d’un accident de la circulation impliquant un poids-lourd assuré, auprès de la société Axa assurance ;
  • il a fait l’objet d’une expertise médicale amiable réalisée par un médecin expert mandaté par la société Macif assurances, dont le rapport a été communiqué à celle-ci ainsi qu’à l’intéressé, puis transmis à la société Axa assurance ;
  • ne souhaitant pas poursuivre la procédure amiable, M. A.B. a assigné la société Axa assurance devant le juge des référés du tribunal qui a ordonné une expertise, confiée à un Expert judiciaire. L’Ordonnance de référé lui confiait notamment pour mission de recueillir « toute information orale ou écrite des parties : se faire communiquer puis examiner tous documents utiles dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs au fait dommageable dont la partie demanderesse a été victime » , tout en précisant que « la communication de toute pièce médicale à un tiers était subordonnée à l’accord de la personne concernée » .
  • au cours de la réunion d’expertise, le médecin-conseil de l’assureur a remis à l’expert judiciaire, le rapport du médecin – conseil mandaté par la MACIF, remise à laquelle M. A.B. s’est opposé.

La victime A.B a alors porté plainte devant la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins contre le médecin conseil, pour violation du secret médical dans le cadre de cette expertise judiciaire.

Cette dernière a infligé la sanction du blâme au médecin conseil. Celui-ci a interjeté appel. La chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a annulé la première décision et rejeté la plainte de la victime aux motifs que « le secret médical n’a pas été méconnu dès lors que l’obligation de respecter le secret médical s’appliquait aux deux médecins et que l’échange de telles données couvertes par le secret médical concourait à la bonne administration de la justice ».

La victime a alors formé un pourvoi en cassation : le Conseil d’Etat casse et annule la décision de la chambre disciplinaire nationale, renvoyant l’affaire devant celle-ci.

Le Conseil d’Etat a retenu qu’il résulte de l'article L. 1110-4 du Code de la santé publique relatif au secret médical que le partage d'informations couvertes par ce secret et nécessaires à la prise en charge d'une personne, entre professionnels de santé ne faisant pas partie de la même équipe de soins, requiert le consentement préalable de cette personne, ce à quoi l'article 275 du Code de procédure civile portant sur la production des documents à l’expert ne permet pas, en tout état de cause, de déroger.

Quant à l’intérêt d’une « bonne administration de la justice » qui selon la chambre disciplinaire, justifiait la communication des données médicales, la Haute juridiction considère que l’article 275 du code de procédure civile régissant l’expertise judiciaire ne permet pas de déroger au secret médical posé par l’article L 1110-4 du CSP.

Le consentement préalable de la personne concernée demeurait donc indispensable.

Prudence donc dans les communications…

 
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